M. de Vaudreuil au comte d'Antraigues Autre délai involontaire, mon cher comte, toujours provenant du défaut absolu d'argent. Nous en attendions hier, et, au lieu d'en recevoir, une lettre des banquiers qui devaient nous envoyer les lettres de change provenant du cautionnement du roi de Hongrie nous annonce qu'un ordre formel de M. de Metternich les oblige de déposer d'abord ces fonds à la caisse royale de Bruxelles. Voilà donc encore un retard, du moins si ce n'est une nouvelle ruse. C'est à en perdre le sommeil et la raison, car enfin le prêt va manquer, et le mouvement que nous allions faire pour faire place aux Prussiens sera arrêté par ce défaut absolu d'argent, étant impossible de remuer et de faire vivre en route 20.000 hommes sans avoir un écu. Voilà où nous en sommes aujourd'hui, 22. Peut-être changera-t-elle demain, car La Queille va arriver de Bruxelles et peut-être nous apportera ces mêmes fonds qui, pour la forme, ont apparemment dû passer à la caisse royale de Bruxelles. En outre le comte de Béon, que nous avions envoyé en Espagne, mande à sa femme, qui est ici, qu'il part le 3 juin de Barcelone pour Coblence et qu'il apporte aux Princes un million. Mais nous éprouvons à peu près le supplice de Tantale, et nous souffrons de la soif et de la faim. Nous apprenons que le roi d'Angleterre vient de faire signifier à l'Assemblée, par l'organe de son ambassadeur, que, si le Roi, la Reine et la famille royale éprouvaient le plus léger outrage, sa neutralité se changerait en une guerre terrible. Et les rois Bourbons se taisent ! Je n'y conçois rien. Peut-être cette menace de l'Angleterre sauvera-t-elle nos infortunés souverains ! Dieu le veuille ! |