Projet de manifeste
Ecrit, au nom de François II, par M. de Vaudreuil.

Avril 1792

L'Europe a vu dans les déclarations de l'empereur Léopold de glorieuse mémoire, et dans la ligne formée et provoquée par lui entre diverses puissances, la sage prévoyance d'un roi, la fidélité d'un allié, et la tendre sollicitude d'un frère. Les lettres-circulaires jointes à un projet de déclaration, datées de Padoue le 6 juillet 1791, et la déclaration de Pillnitz ont été écrites d'après ces louables motifs.
L'Europe a aussi reconnu, dans les moyens de temporisation employés depuis ces époques, des principes d'humanité fondés sur le décevant espoir que le peuple français ouvritait enfin les yeux sur les coupables projets d'une troupe de factieux qui l'égarent et qui, foulant aux pieds les droits de l'autel, du trône et de la justice, ont témérairement usurpé une autorité dont ils abusent pour dilapider le trésor public sous le faux prétexte d'une régénération qui conduit à la mort.
Léopold, dont la sagesse et la bonté guidaient toutes les actions, espérait encore que les factieux eux-mêmes, prévoyant que tôt ou tard le pouvoir leur échapperait, et voyant que déjà des brigands armés étaient plus maîtres qu'eux, sentiraient la nécessité de rendre au pouvoir légitime l'autorité qu'ils lui avaient arrachée, ou que, le remords agissant sur des coeurs français accoutumés à respecter et à aimer leur Roi, ils reviendraient à résipiscence et imploreraient une clémence qjue la bonté du Roi leur aurait assurée. Mais les outrages faits à la majesté royale, les crimes de tout genre, la violation de toutes les propriétés, le mépris de tous les traités, les menaces faites à tous les gouvernements, les écrits incendiaires, les moyens de corruption employés pour troubler le repos de l'Europe, les droits de l'Empire envahis, les Etats du Souverain Pontife conquis sans prétexte et sans déclaration de guerre, tout ce brigandage enfin doit être réprimé et puni.
Il erst temps que les rois s'arment du tonnerre que le Dieu de justice a confié à leurs mains ; il est temps de briser les chaînes honteuses et sacrilèges dont une troupe d'usurpateurs a couvert le meilleur des rois et sa compagne auguste et infortunée ; il est temps d'assurer le repos de l'Europe, en purgeant la terre d'une secte impie qui menace tous les gouvernements ; il est temps enfin que le petit-fils de Marie-Thérèse, le fils de Léopold, le neveu de la reine de France venge à la fois les insultes faites à la mémoire de son père, sa mort peut-être (car ces monstres osent se vanter de l'avoir accélérée), et les outrages sans exemple dans les annales des siècles et des empires, faits à la fille, à la soeur des Empereurs.
Ce n'est point en ennemi, mais c'est en ami de la nation française, en allié et parent de son Roi que je me joins à deux frères tendres du plus outragé des monarques, à trois princes héritiers de la valeur du grand Condé, à toute la noblesse et aux émigrés fidèles réunis sous les étendards royaux, pour éclairer le peuple français sur ses devoirs et ses vrais intérêts, pour livrer à son indignation les usurpateurs qui l'ont égaré, pour rendre au Roi, à la Reine de France et à la famille royale leurs droits et libertés, et faire cesser un scandale qui déshonore et qui désole l'humanité.
C'est dans ces intentions et ces sentiments que je déclare :
1° Que le Roi, la Reine, M. le Dauphin, Madame fille du Roi, et Madame Elisabeth devront être sous un mois rendus à la ville de Valenciennes ou réunis à Monsieur et M. le comte d'Artois, au prince de Condé, au duc de Bourbon, au duc d'Enghien et aux émigrés fidèles, qui s'empresseront de se rassembler autour d'eux. Le Roi pourra alors en toute liberté faire connaître ses intentions déjà manifestées plus d'une fois pour le bonheur de ses peuples, prendre le ton de Roi sans quitter celui de père des Français, et, en les accablants de bienfaits, les faire rougir d'une si longue et si déplorable erreur.
2° Que les municipalités et départements du royaume répondront corporellement de la sûreté des personnes et des propriétés dans toute l'étendue du royaume.
3° Qu'à ces conditions l'amnistie sera générale pour tous les sujets repentants, et que les chefs seuls des séditions, les vrais conjurés, les perturbateurs du repos public seront livrés à la justice des tribunaux rétablis, seront eux-mêmes sous la sauvegarde des lois jusqu'à ce que leur sort ait été prononcé après un examen légal.
4° Que les bases de la constitution monarchiques seront scrupuleusement maintenues dans toute leur pureté, et que le régime seul du gouvernement et la réformation des abus pourront être assujettis à des modifications et des changements que le voeu des cahiers baillages a généralement fait connaître.
5° Que tous les nouveaux serments, arrachés par la séduction ou la contrainte, seront annulés, comme contraires au serment primitif fait à Dieu et au Roi.

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