Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Fontainebleau, le 17 vendémiaire an XIII (9 octobre1804)

Mon bon ami,
Si tes occupations te permettent de t'occuper un moment de moi, ne perds point de vue, je t'en supplie, le contenu de ma dernière ; je t'y prévenais du triste sort qu'avaient éprouvé mes deux mandats, ensemble 150 livres, que M. Graitz n'a point voulu payer. Cette circonstance m'est d'autant plus pénible que je suis forcé de jouer auprès de M. Adam un rôle fort désagréable, en même temps que mes moyens particuliers sont aussi faib les qu'on peut l'imaginer. Depuis deux mois, en effet, j'ai constamment eu à payer 20 francs par mois à mes maîtres d'armes, de tactique ou de mathématiques ; ajoute à cela le blanchissage et autres menus frais que la tenue à laquelle nous sommes astreints entraîne nécessairement, etc... Puisque tu as bien voulu te charger volontairement de venir toi-même à mon secours, ne me fais donc pas attendre plus longtemps et fais-moi passer par la poste les 150 livres que je te demande et que je devrais avoir reçues par parties successivement au commencement des mois de thermidor, fructidor et vendémiaire.
Notre départ pour Paris est définitivement fixé aux premiers jours de brumaire. Si donc il te convient d'ajouter à la somme ci-dessus mes appointements du mois prochain, nous n'aurons pas la peine de nous en occuper de nouveau dans quelques jours.
Il est impossible de rien imaginer de plus malsain et de plus désagréable que Fontainebleau ; nous avons treize hommes malades dans ce moment dans la 12è compagnie, et j'ai eu moi-même la peine d'aller à l'hôpital pour me reposer et me purger. J'espère, d'ailleurs, en sortir après-demain. D'un autre côté, on paye tout au poids de l'or. Croirais-tu, par exemple, qu'une gamelle nous coûte 20 francs et ainsi du reste ? Je parlais à M. Valin, dans ma dernière, d'un projet de voyage pour le courant de frimaire ou nivôse ; qu'en penses-tu ? Je ne serais pas fâché d'avoir ton avis. Remercie M. Valin des démarches qu'il a eu la complaisance de faire pour moi auprès de notre préfet, en attendant que mes occupation me permettent de le faire moi-même par une lettre particulière, et assure de mon amitié toutes les personnes qui peuvent s'intéresser à moi. Ma soeur et son petit Emile sont sans doute bien portants. Embrasse les pour moi et crois à mon attachement sincère.

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