Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Fontainebleau, 18 frimaire an XIV (9 décembre 1805)

Il y a donc déjà un mois tout entier que je suis de retour ici. Encore un peu de patience et je verrai peut-être la fin de ma captivité. Il est cruel d'être enfermé à l'Ecole militaire quand nos armées sont à Brünn et je t'assure que j'aurais fumé une pipe avec plaisir sur les remparts de la capitale d'Autriche.
Les circonstances actuelles ne permettent pas à des apprentis sous-lieutenant de penser à autre cose qu'à faire la guerre. Cependant mes regards se tournent encore quelques fois vers mon cher pays. Au reste une campagne ne me fera pas grand mal, et je partirai, même assez gaiement, avec l'espoir de battre les ennemis, et de revenir ensuite, s'il y a lieu, me reposer sur mes lauriers.
Il est donc vrai que nos armées ont eu des succès qui ont passé toutes les espérances ? Notre histoire de France n'a pas encore fait mention d'une campagne aussi courte et aussi mémorable. On répand déjà quelques bruits de paix ; puissent-ils être vrais ! Je le désire de bon coeur, quoique la guerre nous soit bien précieuse, à nous autres militaires, puisque c'est uniquement par elle que nous pouvons espérer l'avancement.

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