Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Paris, 8 septembre 1806

Nous sommes arrivés à Paris le 31 du mois passé, et le lendemain nous avons commencé à faire le service de la place. Nous occupons une fort belle caserne, rue du Faubourg Poissonnière, en attendant l'arrivée de notre bataillon d'élite.
On dit que nous sommes destinés à faire garnison dans la capitale, mais j'ai grand'peur que nous n'y restions pas longtemps. On parle beaucoup d'une nouvelle coalition des puissances du Nord de l'Europe, et il est certain que les négociations avec la Russie sont tout à fait rompues. La Grande Armée a reçu l'ordre de garder ses positions au delà du Rhin, et les troupes qui occupaient le camp de Meudon sont prêtes à se mettre en marche. On travalle avec une acivité prodigieuse à la réorganisation des corps qui ont souffert dans la dernière campagne, et nous n'attendons nous-mêmes que la rentrée de nos carabiniers pour former deux nouveaux bataillons de guerre.
Tous ces bruits ne paraissent pas faire beaucoup d'impression dans cette ville ; on m'a cependant assuré qu'il s'est fait hier très peu d'affaires à la Bourse et que les effets publics ont éprouvé une baisse assez forte. Si la guerre se déclare, ainsi qu'il y a tout lieu de le craindre, nous touchons encore au moment d'une nouvelle crise qui culbutera bien des maisons.
Au reste, tout ce que messieurs les journalistes publient de l'esprit qui anime le soldat est exactement vrai. Jamais on n'a vu plus de bonne volonté et plus de dévouement. Je ne doute pas que nous ne remportions encore des victoires, si l'Empereur commande encore une fois la Grande Armée.
En attendant, nous sommes organisés à Paris comme si nous devions y passer dix ans ; nous avons nos logements en ville. Nous sommes accablés de service. Je suis toujours commandant de compagnie en l'absence de mon capitaine et de mon lieutenant, qui sont en recrutement.

retour vers le tableau de correspondance de Coudreux