Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Frankenstein, 2 novembre 1808

Depuis ma dernière en date de Nimptsch, j'ai reçu, mon cher ami, celle que tu m'as adressée à Glogau. J'avais déjà lu dans nos journaux le détail de mille réceptions brillantes que vous avez faites en France aux soldats de la Grande Armée et j'ai vu avec un bien grand plaisir que les habitants de Tours ont eu l'honneur d'être cités dans un article particulier ; un accueil aussi flatteur et, netre nous soit dit, si peu ordinaire, va encore redoubler le courage de nos braves et infatigables légions et messieurs les révoltés ne seront pas aux noces quand elles vont leur tomber sur les bras. Si les Anglais osent les attendre, ils verront ce que c'est que d'avoir affaire aux baïonnettes d'Austerlitz et de Friedland.
J'aurais bien voulu que le 3è corps d'armée fût aussi destiné pour l'Espagne ; malheureusement, il est décidé que nous passerons l'hiver en Saxe. Nous avons déjà reçu notre ordre de départ, et avant huit jours nous aurons évacué la Silésie.
Nous avons fait hier nos adieux à M. de Salaignac, lieutenant dans mon ancienne compagnie, qui vient de passer aide de camp de M. le général de division Drouet, gouverneur de Bayonne. C'est un brave et estimable officier, qui emporte nos regrets et notre amitié. Je lui ai donné une lettre pour toi, et il te la remettra à son passage à Tours. Je te prie, mon cher ami, de lui préparer d'avance quelques mots de recommandation pour tes amis de Bordeaux, Mont-de-Marsan, Bayonne, Bilbao et Madrid. En même temps que tu l'obligeras beaucoup, tu rendras peut-être un grand service à tes amis d'Espagne. Il est extrêmememnt officieux, et, pendant le séjour que nos troupes ne manqueront pas de faire dans le pays conquis, il peut trouver l'occasion de leur être utile.
Je ne t'engage point à lui faire bon accueil ; je compte trop sur ton attachement pour moi pour ne pas être persuadé d'avance que tu verras avec plaisir un de mes meilleurs camarades. Offre-lui de l'argent ; il n'aura pas de besoin, mais il me saura le meilleur gré de ton procédé. M. de Salaignac est enfin un jeune homme d'excellente maison, et aussi recommandable pour ses bonnes qualités que pour ses talents.
Le départ de ce jeune officier laisse une place vacante dans le coeur de M. le colonel qui lui était tendrement attaché. J'ai l'espoir de parvenir à le remplacer auprès de lui ; je suis déjà en bon chemin.
Adieu, mon cher capitaine. Je vous embrasse tous de grand coeur.
Tout à vous.

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