Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Thorn , 9 février 1808

Notre départ de Varsovie pour Thorn est le seul motif du retard que tu as éprouvé dans ma correspondance ...
On parle toujours de partir pour les grandes Indes. On prétend que les armées française, russe et persane se réuniront à Astrakhan. La Russi fournira, dit-on, les canons, et la Perse, les munitions et les vivres. Si ce grand projet-là s'exécute, nous ne sommes pas près de nous revoir.
En attendant, nous venons de fraterniser de notre mieux avec les officiers russes prisonniers qui viennent de France, et que notre auguste Empereur renvoie dans leur pays avec tous les honneurs qui leur sont dus. Depuis huit jours, il n'a été question que de bals et de grands dîners ; nous avons épuisé tous les magasins de vins de la ville de Thorn, et il serait de toute impossibilité de trouver ici maintenant une seule bouteille de champagne. Nous avons bu comme des enragés ; les Russes se sont noblement grisés, et nous les avons renvoyés enchantés de nos procédés.
Après des bamboches aussi éclatantes, tu dois penser que les finances de messieurs les officiers du 15è sont terriblement délabrées : avant-garde, corps d'armée, réserve, tout y est passé. Il me reste encore 21 fr. 10 pour faire le garçon. Je serais donc véritablement dans la débine si le papa Cotillon, mon brave lieutenant-colonel, ne venait pas au secours de la deuxième personne de son état-major.

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