Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Vienne, 20 août 1809

depuis la lettre que je t'ai écrite de Brünn, le 16 du mois passé, j'ai reçu, mon ami, des deux tiennes des 6 et 18 derniers. Nos bulletins ont dû vous apprendre en détail tout ce qui s'est passé aux deux fameuses journées d'Enzersdorf et de Wagram. Vous autres Français, qui les lisez à tête reposée, vous en savez par conséquent beaucoup plus que nous, qui voyons à peine ce qui se passe dans le bataillon vis-à-vis lequel le hasard nous conduit. Les batailles des 5 et 6 juillet sont, au reste, deux beaux faits d'armes ; l'ennemi était nombreux, plein de courage et soutenu par un grand nombre de pièces.
Les plus anciens soldats ne s'étaient jamais trouvés à pareille fête. Quinze cents pièces de canon ne sont effectivement pas une bagatelle.
Depuis ma dernière lettre, je suis revenu à Vienne. Mon général est déjà guéri ; je me porte également à merveille et il ne nous en faut plus qu'autant.
On ne sait rien de tout ce qui se passe à la cour ; rien ne transpire ; on croit à la paix et tout est prêt pour la guerre. L'armée française est plus belle et plus forte que jamais. Je ne conçois rien au nombre prodigieux de nouveaux soldats qui arrivent à chaque minute. On serait tenté de croire que notre Empereur à le talent de les fabriquer à volonté.
Demain matin, je repars pour Brünn avec des dépêches. Mon nouveau métier ne me plaît qu'à demi ; dans ma prochaine, je m'expliquerai plus au long. Je commence à croire que j'ai fait une sottise, et nous verrons par la site s'il est impossible de la réparer?
Adieu, mon cher ami. Je vous embrase tous de grand coeur.
Tout à toi.
Mon adresse est toujours :
Monsieur Alex. Coudreux, capitaine, aide de camp du général Desailly, à Vienne.

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