Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Raussnitz, 28 septembre 1809

J'ai reçu presqu'en même temps, mon cher ami, tes deux dernières des 31 juillet et 7 septembre. Je ne conçois rien à un semblable retard, qui ne peut provenir que de notre changement de division. J'espère actuellement que cela n'arrivera plus, mon général ayant reçu un nouveau commandement depuis quelques jours. Il a maintenant sous ses ordres la 1ère brigade de la 3è division du 3è corps. Nous sommes cantonnés dans les environs de Raussnitz, c'est-à-dire que nous sommes placés sur la ligne de démarcation fixée par le premier armistice. Nous passons à Raussnitz des jours fort tranquilles et nous ignorons absolument si on fera la paix, ou si nous recommencerons bientôt à brûler de la poudre avec messieurs de l'Autriche. Nous nous tenons néanmoins prêts à tout événement.
Le général auquel je me suis attaché est, comme tu le sais, mon ancien colonel. Je sers auprès de lui d'une manière agréable et je suis convaincu qu'il me fera tout le bien qu'il pourra ; malheureusement, je reconnais un peu tard que l'Empereur ne fait pas grand cas des officiers d'état-major, puisqu'il est vrai qu'on a demandé la croix pour moi quatre fois de suite depuis le commencement de la campagne ! Je n'ai encore rien obtenu. Je puis pourtant me flatter qu'aux batailles des 5 et 6, j'ai vu de près les baïonnettes des Autrichiens. A moins qu'on ne se fasse tuer ou prendre, il n'est guère possible d'en faire davantage. Enfin, patience jusqu'à la première affaire !
Si jamais je viens à quitter mon général, je ne m'enfilerai plus dans aucun état-major. Le métier d'aide de camp ne vaut rien ; on est cent fois mieux dans un régiment ! Au reste, je ne perds pas la Garde impériale de vue.
M. Bellet m'a prévenu que tu l'avais remboursé. Je te dois donc maintenant un argent d'enfer !
Je n'ai eu aucune occasion d'entendre parler du jeune Bedouet. Je n'ai également vu Guibert qu'une seule fois.
Nous avons appris par les journaux que messieurs les Anglais avaient disparu. Ces gens-là ne sont pas de notre calibre ; ils ne gagneront jamais grand'chose avec nous.
Adieu, mon bon ami. Mes amitiés à toute la famille que j'embrasse de bien grand coeur.

P.S. Triples et même trois fois triples remerciements à nos F... ; leur souvenir me flatte infiniment. Je te charge de leur en témoigner ma reconnaissance.
Les initiales que tu remarques en avant de ma signature sont un mystère qui ne peut pas s'expliquer par écrit.

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