Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Halberstadt, 5 juin 1810

J'ai reçu ta lettre du 11 du mois passé ; elle m'a trouvé assez mal portant. J'ai eu quelques accès de fièvre et je suis obligé de garder tout à fait la chambre. J'attribue mon indisposition à un froid très vif pour la saison, que nous éprouvons depuis huit jours. Le voisinage des montagnes du Hartz occasionne ici des changements fréquents de température qui cadrent mal avec les rhumatismes. Je souffre particulièrement de la cuisse droite et du bras droit ; je ne marche plus qu'à l'aide d'un bâton, et comme je suis couvert de pantalons, vestes et capottes de gros drap, j'ai à peu près la tournure que tu avais, il y a sept ans, quand tu revins des eaux d'Ax. J'espère toujours que les chaleurs me rétabliront complètement.
L'officier d'habillement du 25è régiment m'a cédé deux aunes et demie de drap bleu de Sedan et quelques pièces de Nankin dont le montant s'élève à 192 francs. Le conseil d'administration étant obligé de payer en argent de France, j'ai remis à ces messieurs un mandat de pareille somme sur Gavoty de Paris, payable à mon ordre le 10 juillet prochain. J'a promis qu'il recevrait un bon accueil et il a été accepté sans difficulté. Je le recommande, mon ami, à ta bonne amitié. Entre nous, je n'ai pas été fâché de la circonstance. Il m'est dû décembre, et les mois de mars, avril et mai, et tu concevras sans doute facilement que je ne suis pas très en fonds. S'il eût fallu sortir de ma bourse 192 francs, il n'y serait certainement pas resté grand'chose.
Nous sommes depuis le 1er mars à la solde du roi de Westphalie ; c'est une preuve que nous restons en Allemagne. Notre cavalerie légère, qui s'était avancée jusqu'à Bamberg, a reçu l'ordre de nous rejoindre. Le 7è hussards est déjà de retour à Magdebourg. Je te dirai (tout bas) que Sa Majesté le roi de Westphalie, n'est pas riche, et que nous ne serons pas payés régulièrement tous les mois.

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