Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Francfort, 16 février 1811

Je suis arrivé à Francfort le 12, et le 13 au matin j'ai pris le commandement d'une compagnie. Ainsi donc, mon ami, me voilà installé dans mon ancien régiment ; mes camarades m'ont fait un accueil très agréable. M. le colonel m'a reçu d'une manière charmante, et j'en tire pour l'avenir un excellent augure.
J'ai vendu en partant d'Oldenbourg tout ce qui tenait à l'ancien métier : chevaux, épaulettes, habits même, enfin tout ce qui sentait la livrée ! Ytois mois d'appointement arriérés ajoutés à cela m'ont fait une somme de 1250 francs, avec lesquels je prétends me monter sur un bon pied au régiment !
J'ai d'ailleurs des dépenses considérables à faire. Nous sommes plus brillants que nous ne l'avons jamais été :
Nos shakos nous coûtent ... 180 francs
Nos épées à monture d'agent ... 120 francs
Deux paires d'épaulettes ... 100 francs
Bottes et chapeau d'uniforme ... 90 francs
Habit, veste et pantalon ... 200 frencs.
Viennent ensuite les fanfreluches telles que hausse-col, dragonnes, cors de chasse, boutons, etc., etc., ; tout cela coûte encore plus de 120 francs. Les 1250 francs vont donc être battus en brèche d'une vigoureuse manière.
Mon chef de bataillon est un Nantais, nommé Lafitton ; ses parents, qui sont dans les affaires, ont été associés un moment avec MM. Rivet père et fils. Comme c'est un homme fort aimable et très estimé de mon colonel, fais-moi le plaisir, mon ami, d'écrire à Nantes, et arrange-toi de manière à m'envoyer de la part des Rivet ou de quelque autre correspondant un petit mot de recommandation pour lui. Cela ne pourra faire qu'un excellent effet.
Comme il est probable que nous resterons encore longtemps à Francfort, je ne serais pas fâché que tu me recommandasses à quelques négociants de cette ville, soit par toi-même, soit par MM. Gouin frères. Dis-moi également si M. Chalmel est toujours directeur des droits réunis à Mayence.
Cette lettre doit te parvenir lestement et j'espère que j'aurai de tes nouvelles au régiment avant quinze jours.
Adieu, mon ami. J'embrasse de grand coeur toute ta famille.

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