Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)
Ribniz , 26 juillet 1811
J'ai reçu, mon ami, ta lettre du 2 courant. Je te remets ci-joint le reçu de M. Beauchesne de Montigny, qui était effectivement chasseur dans mon ancienne compagnie, mais que j'ai eu l'occasion de faire faire depuis caporal. C'est un excellent sujet ; il travaille dans les bureaux de l'officier payeur. Toutes les fois que madame sa mère aura quelque chose à lui envoyer, fais-moi le plaisir de t'en charger . Ces bagatelles ne sont pas sans conséquence dans un régiment ; il en résulte toujours pour celui qui oblige une espèce de considération qui ne manque jamais de faire son effet après des chefs. Dans notre métier, mon cher ami, il faut un peu de charlatanisme ; c'est ordinairement un excellent moyen de réussir !
Je crois pouvoir me flatter d'être bien noté dans l'opinion de mon colonel ; ma compagnie de carabiniers est maintenant plus belle qu'elle ne l'avait été depuis dix ans. Je fais mon affaire avec zèle, on est content de moi, tout va bien. Je viens d'être chargé d'une commission assez délicate : il s'agissait d'acheter quatre-vingt chevaux pour le service de l'artillerie du régiment. Le colonel m'a fait, en conséquence, compter 36.000 francs avec lesquels je me suis mis en route pour faire mes achats. L'opéraion a complètement réussi ; le général Bordesoulle, envoyé par le prince d'Eckmühl pour passer la revue de nos chevaux, en a été parfaitement satisfait, et en a fait son compliment au colonel. Nos fonds ayant été réellement employés comme ils devaient l'être, sans aucun bénéfice pour qui que ce fût, il s'en est naturellement suivi que notre régiment s'est trouvé le mieux monté des corps d'armée. M. Noos, aimant les honnêtes gens qui font bien leur métier, me fait depuis cette époque plus d'accueil et plus d'amitiés que jamais !
Donne-moi toujours exactement des nouvelles de Tours. Mlle Henriette ne se marie donc pas ? Que devient Mme Callaud, que devient Callaud, et enfin que devient Mlle Emilie ?
On parle beaucoup de guerre avec la Russie. Nous ne serions pas du tout fâchés de faire une nouvelle campagne. On disait avant-hier à Rostock que le maréchal Masséna était arrivé incognito sur les bords de l'Elbe.
Adieu, mon ami. En paix comme en guerre, je t'aimerai toujours de bien bon coeur, toi et ta petite famille.
Je vous embrasse tous cordialement.
P.S. Mes compliments à ma chère mère.
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