Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)
Smolensk, 25 août 1812
Si tu t'amuses à lire les bulletins, tu dois savoir maintenant, bien plus exactement que je ne pourrais te le dire, ce qui s'est passé autour de Smolensk dans les brillantes journées des 16, 17 et 18 du courant. Je me bornerai à t'annoncer que mon régiment a eu l'honneur de prendre une part très vive à l'affaire du 17. Mes grenadiers se sont dignement comportés ; nous avons fait le coup de baïonnette pendant une demi-heure, et nous avons couché sous les murailles de Smolensk, après avoir obligé tout ce qui se trouvait devant nous à aller chercher son salut derrière les remparts.Le lendemain 18, à 4 heures du matin, nous sommes entrés en ville.
J'ai été blessé assez grièvement de deux coups de feu au bras gauche ; une des deux balles ne m'a fait qu'une forte contusion à l'épaule, mais la seconde m'a traversé le bras dans toute sa longueur, depuis le poignet jusqu'au coude. Les cirurgiens pensent néanmoins que je ne serai pas estropié. Pour comble de malheur, j'ai encore été raccroché, en montant à l'assaut, d'un éclat de palissade qui m'a frappé à la tête et renversé dans le fossé.
Voilà une aventure assez sérieuse. Je me porte d'ailleurs très bien ; la fièvre de suppuration est déjà passée, et comme, au milieu de tout cela, j'ai conservé bon pied, bon oeil et bonne dent, je vais dîner dès ce soir avec M. Foucher, adjudant-major de la Garde, qui demeure à dix pas d'ici, et qui se charge de me couper les morceaux. Nous parlerons de toi, de ta femme et de tes enfants, et je suis sûr que mes blessures n'en iront que mieux demain.
Adieu. Bonne santé. Point d'inquiétude sur mon compte.
P.S. Mon corps d'armée est déjà à 20 lieues d'ici, sur la grande route de Moscou.
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