Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Dantzig, 26 mai 1812

Nous occupons depuis trois semaines les faubourgs de Dantzig ; nous y sommes moins mal logés que dans les villages, mais, en revanche, il nous en coûte bien plus cher pour vivre. Tout ici est hors de prix ; nous avons entièrement renoncé au vin, et nous dépensons néanmoins les deux tiers de nos appointements pour nous nourrir seulement. Nous nous attendons toujours d'un moment à l'autre à faire quelque grand mouvement ; nous avons cinquante cartouches par homme dans la giberne et trois paires de souliers dans le sac. Si la guerre a lieu, nous irons certainement bien loin sans nous arrêter. On dit ici que Sa Majesté l'Empereur et Roi est passé à Dresde, où il n'est resté que deux heures.
Le roi de Westphalie est à Posen, et le roi de Naples à Varsovie. Ce dernier doit prendre, dit-on, le commandement de toute la cavalerie.
On porte à plus de mille le nombre des pièces de canon de tout calibre qui se trouvent sur les deux rives de la Vistule.
On vient de former dans notre corps d'armée un bataillon d'une singulière espèce : il se compose de mille boeufs et de cinq cents chariots, le tout conduit par un certain nombre de piqueurs. Les chariots serviront au transport des vivres du corps d'armée, et, en cas de besoin, les boeufs seront mis à la broche. Voilà un plaisant bataillon ; on s'en promet une double utilité. Il est probable que chaque corps aura le sien.

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