Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Strasbourg, 1er octobre 1814

Enfin, mon ami, après cent douze jours de marches et de fatigues, j'arrive en France ayant pour toute fortune deux écus de 5 francs et un porte-manteau bien léger, bien mince, et se ressentant furieusement du terrible voyage que nous venons de faire. Si tu as quelquefois jeté les yeux sur la carte, tu as dû voir que, de Saratow à Paris, il y a 1000 lieues et plus.
En arrivant à Landau, j'ai reçu une feuille de route et 23 francs pour me rendre à Rueil, où je dois trouver mon ancien régiment § Heureusement, M. Gleizer, major du 76è régiment de ligne, a eu la bonté de me prêter 600 francs, au moyen de quoi j'ai maintenant des bottes aux jambes et un habit décent à me mettre sur le corps. J'ai donné à M. Gleizer un mandat de pareille somme sur ton ami M. Padelinetti, de Paris, payable à son ordre à huit jours de vue. J'en donne avis par le courrier à M. Padelinetti, et je le préviens que je te prie de lui remettre les fonds nécessaires à l'acquit de ma lettre de change.
J'espère, mon ami, que tu auras également fait tes petites dispositions pour que mon mandat de 368 francs que j'ai fourni à Saratow à M. Sergent, payeur du 3è corps d'armée, ait été également bien payé.
Adieu, mon ami. Je me porte à merveille, mais je suis extrêmement fatigué. Aussitôt mon arrivée à Paris, je t'écrirai plus amplement. J'irai descendre chez Morin, hôtel de l'Empereur, rue de Grenelle-Saint-Honoré. Donnes-y-moi de tes nouvelles. Embrasse bien tendrement de ma part ma chère mère et toute ta petite famille et attends-toi à me voir à Tours bientôt.

Ton meilleur ami.

Je t'envoie ci-incluse une reconnaissance de Bedouet fils de 168 francs, que je te prie de faire présenter à monsieur son père. Bedouet est encore en arrière et n'arrivera pas en France avant quinze jours.

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