Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Paris, 11 mai 1815

J'ai reçu, mon ami, ta lettre du 7 mai. Je suis charmé que nos concitoyens t'aient désigné pour être membre du conseil municipal. En te nommant premier adjoint de la mairie, on t'a rendu seulement toute la justice que tu mérites. Un brave homme comme toi ne peut être qu'un excellent magistrat, et j'ai dans le coeur la certitude que tu justifieras cet honorable choix.
Nos braves soldats viennent de toutes parts se ranger sous leurs drapeaux. Dimanche dernier, l'Empereur a passé en revue, aux Tuileries, une vingtaine de mille hommes. Mon régiment qui, du temps du roi, n'avait que 1100 hommes sous les armes, en compte maintenant plus de 2000, formant actuellement cinq bataillons de guerre et un bataillon de dépôt. Tous les autres régiments sont sur le même pied. Avant quinze jours, nous aurons plus de 400.000 hommes de troupes de ligne sur les frontières.
Il paraît que Napoléon est irrévocablement décidé à ne point commencer la guerre le premier. Les soldats sont animés du meilleur esprit. Si on se bat, le premier choc sera terrible !
Je suis désolé de n'avoir point encore de bataillon : la seule chose qui me console, c'est que e suis noté chez le ministre pour être employé dans un régiment. Je n'aurais pas pris volontiers le commandement d'un bataillon de gardes nationales ! M. Favier, chef du bureau de l'Infanterie, m'a montré ce matin une petite liste sur laquelle je suis inscrit le quatrième. J'espère donc que mon affaire s'arrangera bientôt.
Les travaux relatifs à la liquidation de l'arriéré ont été repris de nouveau. J'ai été obligé de fournir de nouveaux états, en raison de mon changement de corps ; toutes mes pièces seront envoyées d'ici à quize jours des bureaux de la vérification à ceux de la liquidation. Je présume d'ailleurs que cette affaire sera longue ; ainsi, mon cher ami, je t'engage à terminer promptement avec M. Callaud pour le remboursement des sommes que tu m'as si généreusement avancées.
M Hurelle (que je ne perds pas de vue) m'a montré hier une lettre de sa famille. On lui annonce qu'on lui enverra le 12 de ce mois, par la poste, les 300 francs qu'il te doit. Je pense donc, mon ami, que je serai payé incessamment. Ce jeune homme, je te le répète, n'est pas riche, mais me paraît un brave garçon. Son affaire va d'ailleurs très bien. Il attend sa commission de chirurgien-major.

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