Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)
Courbevoie, 16 janvier 1815
Ta lettre du 31 décembre s'est croisée avec la mienne du 30, mon cher ami. Je t'annonçais que j'avais eu le plaisir de voir M. Valin et que je m'attendais à aller bientôt te rejoindre avec ma demi-solde.
Depuis deux jours, j'ai eu quelques audiences favorables et j'espère que je serai encore conservé jusqu'à nouvel ordre. C'est un avantage d'autant plus grand qu'il est question maintenant d'un grand travail d'organisation par suite duquel je serai peut-être assez heureux pour me faire placer en pied. Mon colonel me protège de tout son pouvoir, et il ne dépendra pas de lui que je ne reste sous ses ordres. Mes courses dans Paris me coûtent horriblement d'argent ; depuis plus de quize jours, je suis continuellement ou invitant ou invité par une foule de mes anciens camarades d'Ecole, dont quelques-uns m'ont été très utiles.
Ma lettre du 30 te prévenait, mon ami, que ton ami Gavoty
m'avait remis 600 francs.
Il paraît que vous menez grand train les plaisirs et les bons dîners ! Je voudrais bien être des vôtres ; mais j'aime mieux différer mon voyage de quelques semaines, par suite du grand principe que les absents ont tort !
M. Lemaignan est un homme très poli et fort aimable ; malheureusement, il est employé, au ministère de la guerre, dans la partie administrative, c'est-à-dire seulement pour ce qui concerne le matériel. Je cultiverai néanmoins sa connaissance. Je me dispose à lui rendre visite, ainsi qu'à Mme Valin.
Nous avons eu le bonheur d'être présentés à Sa Majesté, le 3 de ce mois, à l'occasion du renouvellement de l'année. Le Roi nous a reçu avec cette bonté et cette bienveillance qui n'appartiennent réellement qu'à lui seul. Il nous a dit :
"Messieurs les officiers du 15è régiment,
Je vous vois avec le plus grand plaisir. J'espère que vous soutiendrez l'honneur du drapeau que je vous ai confié, comme vous avez toujours soutenu celui de tous les drapeaux que vous avez eus !"
Nous avons saisi avec transport l'allusion flatteuse que Sa Majesté a sans doute voulu faire à la belle défense que notre régiment a faite dans Hambourg, et nous avons répondu par des cris de : "Vive le Roi !" qui partaient du fond du coeur et auquels Sa Majesté a paru sensible.
Adieu, mon ami. Je me porte à merveille et je te souhaite une bonne santé. Embrasse de ma part Mme Coudreux et mes neveux. J'ai effectivement fait quelques démarches pour être placé dans la Garde royale, mais j'y ai tout à fait renoncé.
Tout à toi de bonne amitié.
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