Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Paris, 24 mai 1815

J'ai reçu hier seulement, mon cher ami, ta lettre du 19 courant. Les retards que nous éprouvons à cet égard viennent de notre vaguemestre qui es peut-être l'homme le plus paresseux de la capitale.
Ma chère mère doit partir la semaine prochaine, et elle sera à Tours Jeudi si elle ne change pas d'avis.
Tes chandelles sont parties le 20 par les voitures de la Croix-de-Lorraine. Le grand tonneau contient 110 livres dont 75 livres de 6 et 35 livres de 8 ; le petit tonneau contient 40 livres de 8. Le tout doit être rendu bien conditionné en huit jours et à raison de 3 francs du 100.
Nos bataillons de tirailleurs de la garde nationale se forment. J'ai terminé hier mon opération. J'aurai sous mes ordres 720 hommes des rues Saint-Antoine, de Jouy, des Barres et de la place Saint-Jean. Ce sont des lurons qui ne seront pas faciles à manier ! Les faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin se fédèrent aussi ; on pourra former en cas de besoin 24 régiments de fédérés. Les travaux autour de Paris avancent à vue d'oeil : les canons arrivent de toutes parts ; on fait des coupures destinées à produire des inondations considérables autour de Paris. Si la France éprouvait de nouveaux malheurs, et si nous étions forcés de nous battre encore une fois à Montmartre, l'affaire ne serait plus une plaisanterie !
D'ailleurs, mon ami, jusqu'à ce moment, tout est toujours fort tranquille sur la frontière ; on s'observe, mais on ne sait pas encore quand les hostilités commenceront. L'armée augmente tous les jours. Les départements qui avoisinent le Rhin montrent un patriotisme et un dévouement sans bornes. Les corps francs prennent également de la consistance ; enfin, si les citoyens de l'intérieur montrent seulement de la bonne volonté, nos affaires iront bien, très bien, et les alliés n'oseront certainement pas nous attaquer.
Tous les détails que je te donne sur l'armée sont positifs ; je mange tous les jours avec des officiers députés par leurs corps pour le Champ de Mai. Ils sont tous du même avis : c'est que l'armée est magnifique et que les soldats brûlent d'en venir aux mains !

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