Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Paris, 26 avril 1815

J'ai reçu, mon ami, ta lettre du 19 courant. L'histoire de nos vignes gelées est à peu près celle de toute la France. Celles de la Bourgogne et de la Champagne ont eu le même sort. Si tu as encore en magasin les vins de Bordeaux, tu n'auras pas fait une mauvaise opération.
La nomination des commissaires extraordi,aires va rendre à l'administration de notre département toute sa force. Ici, les royalistes crient comme des aveugles qui ont perdu leur bâton ! On me disait hier, dans une de leurs sociétés, que le duc de Bourbon était entré à Tours à la tête de 50.000 Vendéens, que le comte d'Artois avait pris dans la même journée Strasbourg, Landau et Bayonne, que Mme la duchesse d'Angoulême, avec 10.000 Bordelais, marchait sur Lyon, où les Autrichiens étaient déjà arrivés depuis le 19 avril ! Que veux-tu qu'on réponde à de pareilles sornettes ?
En attendant les soldats congédiés arrivent de toutes parts. Notre 4è bataillon est presque complet ; nos trois bataillons de guerre sont toujours fort tranquilles dans les environs du Quesnoy. J'ai reçu encore hier une lettre d'un certain M. de Hainauls, mon camarade d'Ecole, qui m'écrit de la frontière de Flandre pour me demander si on parle de guerre à Paris !
Il est cependant possible que la campagne ne tarde pas à s'ouvrir ; les opérations militaires sont très actives. L'Empereur et ses ministres travaillent jour et nuit. Je n'ai rien de nouveau pour moi. J'attends dans mon dépôt qu'on m'envoie des ordres.

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