Lettres du commandant Coudreux à son frère (1804-1815)

Paris, 26 mai 1815

J'ai remis à mon marchand de chandelles un petit mandat sur toi de 110 francs, daté du 23 courant et payable à présentation : ainsi, mon ami, voilà une petite affaire terminée.
Il m'eût sans doute été infiniment plus agréable d'être placé dans la ligne que dans les gardes nationales ; mais, puisque le sort en ordonne ainsi, il faut bien prendre son parti en brave. On travaille à force à l'habillement de nos tirailleurs, et j'espère que nous figurerons au Champ de Mai qui n'aura lieu que dans le mois prochain. On cause beaucoup sur les motifs de ce retard. Quelques personnes prétendent que l'Empereur n'a pas encore perdu l'espoir de voir arriver l'Impératrice ! Ce qu'il y a de très certain, c'est que les armées sont prêtes à entrer en campagne, et qu'il est très difficile de deviner si on se battra ou si la paix sera maintenue. Les plus fins s'y perdent, et nous ne savons absolument rien à cet égard.
Donne-moi des nouvelles de la Vendée ? Je connais beaucoup M. Auguste de la Rochejaquelein qui s'est mis à la tête du mouvement. Nosu étions à Saratow ensemble. Mme de la Roche-Perner, sa cousine, était dernièrement chez Mme Roland. Mme de la Roche-Perner est la soeur d'un M. Beauchesne de Montigny pour lequel, dans le temps, tu t'intéressais, et que nous avons laissé à l'hôpital de Smolensk en revenant de Moscou. Le mari vint dans le courant de février dernier me faire une visite, pour s'informer si son frère était bien mort. Il était maréchal de logis chef dans les grenadiers à cheval du roi, c'est-à-dire capitaine.
Ma chère mère a arrêté sa place à la diligence ; elle part lundi prochain, pour arriver mardi au soir à Tours. Tu dois bien penser que le moment de la séparation sera terrible. Elle se porte d'ailleurs à merveille. Le séjour de Paris lui plaît beaucoup.

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