Lettres du commandant Coudreux à sa mère
Paris, 8 février 1815
Ma très chère et très bonne maman,
Je vous assure que je partage très sincèrement le désir que vous avez de me voir. J'aurai certainement le plus vif plaisir à vous embrasser et à vous répéter mille fois combien je suis reconnaissant de toute l'amitié que vous me témoignez ; mais, cependant, il faut quelquefois savoir sacrifier ses plus chers plaisirs à son intérêt personnel, surtout lorsqu'il s'agit de son état et de son existence pour l'avenir. Je suis donc, ma très chère mère, forcé de vous répéter encore une fois que je ne penserai point à vous allez voir avant que mon sort ne soit décidé. Mme Lemaire, que je vois souvent, sent bien toute la force de mes raisons ; dans le moment où nous sommes, chacun travaille pour soi, même aux dépens de ses meilleurs amis. Si j'avais été été à Tours comme vous m'y engagiez et comme j'en avais tant d'envie, j'aurais infailliblement perdu ma place et je serais à la demi-solde comme tant d'autres de mes camarades. Tranquillisez-vous donc, ma très chère maman ; vous recevez souvent de mes nouvelles et vous me donnez également des vôtres ; et cela doit nous aider tous les deux à supporter quelques mois de séparation de plus. Je vous promets que j'irai passer quelques semaines avec vous lorsque je pourrai le faire sans compromettre mes intérêts militaires.
Je n'ose pas, ma chère maman, vous engager à venir à Paris. La nature de mes occupations et mes devoirs me laisseraient à peine quelques heures à vous donner par semaine ; peut-être même qu'au moment où vous arriveriez, je recevrais, moi, l'ordre d'en partir. Il vaut donc mieux, ma petite maman, que vous preniez encore un peu de patience et que je vous épargne les fatigues d'un pareil voyage. On me fait espérer que nous serons bientôt placés ; aussitôt que je connaîtrai ma destination, je demanderai une permission et j'irai vous embrasser.
Adieu, ma très chère mère. Aimez-moi toujours bien tendrement.
Je n'ai point reçu votre lettre du 18 et votre dernière ne m'est parvenue qu'hier, parce que vous aviez mis mon adresse d'une manière très irrégulière. Dorénavant, écrivez ainsi :
A monsieur Alexandre Coudreux, chef de bataillon, 4è régiment d'infanterie légère, en garnison à Paris.
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